Quand ils nous voient accueillir des animaux en détresse, souvent les gens nous disent « Vous ne pouvez pas tous les sauver ». D’autres croient qu’ils nous apprennent quelque chose de nouveau.
Pourtant nous savons bien nous-mêmes que nos moyens sont limités et que seul un nombre infime d’animaux en détresse trouvera refuge sur la ferme.
Nous recevons quotidiennement des appels de personnes qui souhaitent placer leur propre animal ou un animal trouvé. Nous étudions chaque cas, nous déterminons si c’est une urgence ou si l’animal peut être placé dans une autre structure dont nous transmettons les coordonnées.
Parfois, en disant « Non, nous ne pouvons pas l’accueillir à la ferme » nous savons que sa vie est menacée. Des particuliers menacent de mettre leur animal (chien/ chat) « dehors », à proximité d’une ferme ou dans la forêt (une pratique courante pour les chats), s’ils ne trouvent pas d’autre solution pour s’en débarrasser. Et certains n’hésitent pas à transformer leur menace en réalité.
L’autre jour, une femme m’a téléphoné. Elle a une exploitation de vaches laitières dans le Lot-et-Garonne. Une de ses velles, née quelques jours auparavant, avait une fracture en bas du sabot.
Dépenser de l’argent pour le vétérinaire était hors de question. Le marchand qui lui achète d’habitude ses veaux destinés à l’abattoir a refusé de la prendre de peur que l’animal ne survive pas lors du trajet jusqu’en Espagne ou en Italie. Lieu où sont habituellement abattus les bovins de cet élevage.
Pour l’éleveuse, il était toutefois hors de question de garder une velle handicapée qui ne peut pas être utilisée comme une nouvelle machine à produire des veaux et du lait.
Au début de ma conversation, j’ai naïvement pensé que si l’animal n’avait pas eu cette fracture, il aurait été gardé dans l’élevage. Or, malgré le fait qu’elle soit une femelle, elle serait partie dans les premiers mois de sa vie pour un autre pays, aurait subi un long transport afin d’être finalement être abattue dans la souffrance.
Du fait de son boitement, elle avait perdu sa valeur marchande. Pour l’éleveuse, elle était devenu un poids, une bouche qui mangeait pour rien, dont il fallait se débarrasser.
Le marchand leur a conseillé de la tuer à coups de masse. Je pense que c’est de cette façon qu’elle est morte.
Une euthanasie pratiquée par un vétérinaire aurait coûté une centaine d’euros. L’éleveuse m’a rit au nez quand je lui ai suggéré cette solution, la moins cruelle pour l’animal. Son élevage serait en déficit et il n’était pas question de dépenser de l’argent « pour rien ».
Elle a raccroché avant que j’ai pu prendre ses coordonnées. Je regrette de ne pas lui avoir dit que je prenais cette velle. Je l’ai condamnée. Je suis sûre qu’elle est morte dans la souffrance.
Comme tous les bovins. Qu’ils meurent à l’abattoir ou bien durant le transport, ils partent toujours dans la peur et la souffrance.
Accueillir ce jeune animal aurait engendré des frais vétérinaire et alimentaires importants pour l’association, que nous ne pouvons actuellement pas nous permettre.
Comme vous le dites, on ne peut pas tous les sauver…
Morlind Fiegl