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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 11:22

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Le récit de Lara

Je les ai vues en premier.

Elles sont arrivées avec une voiture pleine de chiens, derrière le camion du marchand. Ensemble, elles sont entrées dans notre pré pour nous regarder. Elles n'étaient pas le genre de «femmes-cavalières» avec leurs pantalons d'équitation et leur hautes bottes noires qu'elles portent partout pour montrer qu'elles appartiennent à un chic club. Non, ces deux femmes portaient des vêtements simples et usés. Elles me semblèrent différentes.

La plus jeune des deux alla voir «Myfair», mon amie anglo-arabe rencontrée lors du dernier marché. Elle lui parla calmement et gentiment.

L'autre femme, sa mère certainement, m'observa d'une certaine distance et n'essaya pas de m'approcher.

«Je les ai achetées pour la mort», a lâché le marchand qui venait de nous rejoindre dans le pré.

«La grande – il montra Myfair du doigt - elle est gentille, mais elle est vieille et elle est «vide». Il cracha ce dernier mot avec beaucoup de mépris.

«Je lui ai fait faire une échographie. Elle a couru, travaillé pour des randonnées et pouliné, mais vous pouvez la monter de temps en temps.» rajouta-t-il.

«Elle a peut-être mérité sa retraite maintenant alors», répondit l'une des deux femmes, sèchement.

Mais le marchand s'avançait déjà vers moi.

«Elle, par contre, elle ne vaut rien, elle est folle. On ne peut même pas l'approcher, ou lui mettre un licol. J'ai déjà les papiers nécessaires du vétérinaire pour les mettre à l'abattoir. Et elle, elle ne mérite que ça. Je l'ai échangée avec deux autres contre une de mes juments. Je ne veux pas m'emmerder avec une bête comme elle», dit le marchand.

«Pourquoi coûtent-elles 1000 € alors, si elles ne valent plus rien ?», demanda la jeune fille.

«Le prix de la viande est à plus de 2 € le kilo, pour le moment», répondit le marchand.

Ils commencent à négocier et je m'éloigne davantage d'eux. A chaque marché, nous valons moins ou on nous traite avec plus de mépris et de brutalité. Les marchands nous échangent, nous chargent, déchargent, toujours un bâton à portée de main.

Le bruit des voitures me tire de mes sombres souvenirs. Ils s'en vont tous et nous laissent là.

Mais dans l'après-midi, nous sommes à nouveau dérangées. Les deux voitures des marchands et le camion de transport montent le chemin. Nous allons de nouveau partir, je le sais, mais où ?

 

Trois hommes arrivent et nous chassent dans une sorte de cour. Nous sommes coincées, j'essaie de retourner et d'éviter les pièges mais en vain. Mon corps encaisse les coups de bâtons. Ils me chassent dans le camion et ferment la séparation. Je ne peux plus me retourner.

Je suis complètement bloquée, seule et en panique. Un des hommes se penche au-dessus de moi, il veut me mettre un licol. Ses mains me touchent. Je me cabre, je tente de l'éviter, de me sauver, je suis terrifiée. Les hommes sont énervés, crient et deviennent de plus en plus brutaux. L'un d'eux me passe un fil autour du cou. J'ai l'impression d'étouffer. Je me débats du mieux que je peux, j'essaie d'éviter leurs mains et les coups.

Ils ont réussi à me passer le licol, je saigne beaucoup des antérieurs. Une violente douleur saisit ma tête et je ne vois plus rien avec mon œil gauche. Je suis en sueur.

Myfair est chargée à l'arrière du camion, elle tremble. La porte se ferme et nous sommes en route.

Vers où cette fois-ci ? Le énième marché ? L'abattoir que Myfair craint autant ?? Nous sommes toutes les deux terrifiées.

Le trajet est relativement court. Nous arrivons dans une ferme, des chiens aboient, j'entends des chevaux.

Le camion s'arrête. Un marchand ouvre ma porte, l'autre celle de Myfair. Elle a peur et refuse de sortir du camion. Le marchand la tire, elle tombe et se blesse au-dessus du sabot.

L'autre marchand tire sur ma corde mais je suis tétanisée. Je refuse de faire un pas en avant.

La jeune fille de ce matin vient d'arriver. Elle demande à prendre ma corde, mais les hommes veulent rester maîtres de la situation. L'un vient de remonter dans le camion et me frappe par derrière. Je fonce tellement vite qu'il perd ma corde. Où suis-je ? Où dois-je aller ?

«Elle s'est échappée» crie l'un des marchands. Le ton de leurs voix me fait peur. Ils sont énervés et prêts à tout.

Ils m'ont dépassée et me rechassent en direction du camion. Myfair est toujours là, je me rapproche d'elle. Avant que je ne comprenne ce qui nous arrive, les deux hommes ont réussi à nous chasser dans un grand box. La porte se ferme.

L'un des marchand rattrape ma corde, l'enroule autour de la porte en fer et me tire vers lui. La porte claque terriblement, je panique, je me cabre. Le bruit est terrible. Myfair, l'obéissante et soumise, s'est laissée enlever la corde. Elle se tient à côté de moi. Ses flancs tremblent.

«Calme-toi, sinon ils vont te tuer», me chuchote-t-elle.

 

Les hommes se calment, les femmes ne sont pas contentes du déroulement du déchargement. Ce sont les deux mêmes que ce matin.

Enfin, on me défait ma corde, je me réfugie derrière Myfair au fond du box.

«Je vous ai prévenues», dit le plus jeune des deux hommes.

«Ne venez pas vous plaindre, elle est folle. Elle ne vaut rien, elle devrait mourir ; elle est dangereuse, faites attention. Même le vétérinaire le trouve», rajoute l'autre.

Après quelques minutes, les hommes s'en vont avec le camion. Les deux femmes reviennent nous regarder.

«Elles sont dans un sacré état», dit la jeune fille.

«La petite blanche n'a que peur, heureusement qu'on la prise. Ils l'aurait tuée avant qu'elle n'arrive en Espagne, Roumanie ou Italie», ajoute sa mère, Verena.

 

Je les observe, méfiante, je me cache derrière Myfair. Elle nous donnent du foin, de l'eau et quelques carottes. Délicieuses !!! Je n'en ai plus mangé depuis des années.

 

Le lendemain, Morlind revient et appelle sa mère : «Regarde ses blessures. Il y a du pus partout.»

Elles essaient de m'attraper, de me prendre au licol. Je fonce partout dans le box, saute sur la botte de foin, redescend et fonce vers eux. Mais elles ne crient pas, elles n'ont pas de bâton, elles sont calmes et Verena me parle. Elles arrivent à me bloquer entre le grillage et la botte de foin. Verena commence à me masser la nuque. Je reste tétanisée, j'ai terriblement peur. J'arrête presque de respirer. Contre ma volonté, je commence à me sentir bien. Non, c'est un piège ! Elles veulent me mettre une longe, je fonce ! Elle ne s'énervent pas, mais recommencent avec patience et parviennent à leurs fins. Elles essaient de m'attacher, mais je connais cela. Je me cabre, je tire de toutes mes forces, je fonce en arrière.

Morlind n'est pas impressionnée, elle entre dans le box et me donne des médiments. Après, elle met quelque chose qui pique et qui pue sur ma blessure. J'explose de nouveau.

Mais elles n'arrêtent pas. Elle revient et met quelque chose dans mon œil meurtri. Cela me fait du bien mais j'explose et me cabre quand même. Mais elles ne me tapent pas, Verena me tend une nourriture qui sent terriblement bon. Je dois le manger de sa main. Bien sûr que non !!! Elles sourient et s'en vont après avoir versé la nourriture sur le sol. Un tas pour moi, un tas pour Myfair.

Dès qu'elles ont disparu, je mange lentement avec plaisir.

J'ai l'impression que nous sommes un jour spécial. Je demande aux autres chevaux dans le pré avoisinant, qui ne s'intéressent déjà plus à nous : «Nous sommes où ici ?»

«Vous êtes sur la Ferme des Rescapés » répond une vieille jument boiteuse.

«C'est quoi ça «rescapés»? je demande la bouche pleine.

«C'est toi là, petite idiote !!! Tu es une rescapée, comme nous tous d'ailleurs », répond un joli poney noir.

Je demande à Myfair : « Alors il ne va pas revenir le marchand ?? ». Elle ne répond pas tout de suite. Elle est fatiguée, maigre, pleine de cicatrices dans son visage et aux antérieurs, elle a le dos courbé et plein de douleur. Et malgré tout, elle me semble soudain rajeunie très belle et plus légère. Elle me regarde avec ses yeux magnifiques qui reflètent sa bonté puis dit simplement : «Non, je ne crois pas. »

Elle regarde Verena, qui marche aussi un peu fatiguée, mais qui me semble elle aussi plus jeune aujourd'hui. Elle s'approche de nous et nous salue avec un regard complice : «Bienvenue sur la Ferme des Rescapés» dit-elle.

 

 

UN GRAND MERCI A TOUTES LES PERSONNES QUI NOUS ONT AIDEES – DANS UNE VAGUE DE SOLIDARITE - A LIBERER CES CHEVAUX ET A LEUR OFFRIR UNE MEILLEURE VIE.

 

Verena et Morlind FIEGLanimals-1845.JPG

 

 

Explication sur la foire de Maurs :

A Maurs,se tient trois fois par an le grand marché de France des équidés. Environ 1000 chevaux, poneys, ânes sont réunis certains viennent même d'Espagne, de Belgique... etc.

80 % sont pour l'abattoir (comme les poulains de trait pour l'Italie), d'autres partent en Roumanie ou Espagne...

La brutalité des marchands y est indescriptible. Ils se saoulent dès le matin et comme les chevaux et poulains sont pour la viande, leur état et blessures ont peu d'importance. Il n'y a pas de vétérinaires qui interviennent, ni d'associations de protection animale. Ce marché est l'enfer pour les équidés, tout le monde le sait, mais il est protégé par «la tradition». Comme nous disait un responsable de « One Voice », Maurs c'est un rassemblement pour l'abattoir, c'est normal.

Chaque année, la Ferme des Rescapés essaie de sauver au moins un équidé de cette foire.

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commentaires

C
Merci pour tout ce que vous faites, ce récit nous tord les tripes, nous tient en haleine jusqu'au bout. Honte á ces marchands de "viande" dépourvu de toute humanité, quand donc les hommes<br /> comprendront qu'au delá de l'animal il existe un être sensible. Lara, Myfair je vous souhaite une retraite heureuse entourées d'amour.
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C
Bravo!!puissent ces pauvres bêtes prendre confiance en vous, et enfin vivre un peu de bonheur sur cette terre!<br /> merci pour votre acharnement!
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