Voici deux mères avec leurs six chatons que nous avons récupérés récemment. Elles sont arrivées chez des particuliers et ont, soit disant, fait peur au chat de la maison.
Les adultes et les petits sont dans un état pitoyable : couverts de puces, le ventre plein de vers, les yeux gonflés et enflammés et ils ont un évident retard de croissance. Tous nagent dans la diarrhée. Une des mères présente une blessure ancienne avec beaucoup de pus.
Un des chatons de cette portée est mort le lendemain matin de son arrivée. Il était mal nourri, avait des vers, le calicivirus et la diarrhée.
On nous apporte de plus en plus fréquemment des animaux délaissés, mal nourris et pas soignés. Quand ils arrivent finalement chez nous, c’est quelquefois trop tard, malgré tous nos efforts. Les chats sont extrêmement sensibles aux vers et à la déshydratation. Une simple diarrhée pas soignée tue vite des chatons, mais aussi des adultes. De nombreux chats disparaissent ainsi des jardins de particuliers où ils avaient trouvé refuge et espéré de l’aide, mais bien souvent j’ai l’impression que les personnes n’éprouvent que du soulagement, à la mort de ces chats. La pitié et la compassion pour un animal malade ou laid sont rares.
On nous appelle souvent pour demander si nous sommes prêtes à prendre des animaux abandonnés. Mais même si leur état est apparemment alarmant (« Il est couvert de plaies, très maigre, il n’a plus de poils… »), les gens tardent à nous les apporter. Ils partent d’abord en vacances quelques jours, ou ils ne veulent pas voyager parce qu’il fait trop chaud ou trop froid à leur goût, ou bien ils ne supportent pas de voir un chat enfermé dans une cage piège. Apparemment, cela leur fait plus de peine que de le voir mourir à petit feu !
Les chats dérangent souvent et très vite. Les arguments sont nombreux : « Il embête mon chat », « Elle agresse mon chien pour défendre ses petits », « Je ne veux pas la nourrir sinon elle va croire qu’elle peut rester et j’ai déjà un chat »… On me dit souvent : « Vous savez Mme Fiegl, ça me fait quelque chose, il a pleuré toute la nuit devant ma porte et il était vraiment affamé, mais il n’est pas à moi…»
Beaucoup ont la chance d’être apportés ici, les autres meurent silencieusement devant les yeux de plusieurs personnes.
J’avoue, j’ai souvent du mal à rester calme, à ne pas trop montrer ma colère, par peur que les chats ne soient jamais amenés ici. Mais quand je les enterre trois jours après leur arrivée parce que leurs séquelles étaient trop graves et irréversibles, quand je les vois se battre pour vivre, ou bien piétiner pour la première fois dans des couvertures propres, manger à leur faim sans être chassés, quand je vois les mères allaiter et lécher leurs petits pendant deux mois, je pleure encore plus pour ceux qui n’ont connu que l’enfer.
Verena FIEGL